Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
ma revue de presse journalière
4 septembre 2022

Excellent article =

Le cycle du carbone selon l’AR6 du GIEC : au diable les incertitudes !

Publié par jlduret sur 3 Septembre 2022, 18:21pm

Catégories : #CO2#Réchauffement d'origine anthropique

Le cycle du carbone selon l’AR6 du GIEC : au diable les incertitudes !
 

par Prof. Dr. Jean N., Faculté des Sciences, Université Européenne.

Le but du présent article est de présenter la dernière version du cycle du carbone proposée par le GIEC dans son dernier rapport de 2021 (l’AR6). Les chiffres de l’AR6 seront ensuite comparés à ceux de l’AR5 publiés en 2013. Nous allons voir que le GIEC confirme que les émissions provenant des combustibles fossiles ne représentent que 4,1% des émissions totales de CO2. Nous verrons aussi que le GIEC ne s’embarrasse pas des nombreuses incertitudes concernant les flux naturels pour seulement se focaliser sur les émissions humaines de CO2. Dans ce contexte, il est difficile d’affirmer que l’augmentation du taux de CO2 observé à Mauna Loa depuis 1959 est uniquement causée par l’utilisation de combustibles fossiles. Les émissions naturelles sont très mal quantifiées, particulièrement celles provenant des sols, et tant que ce sera le cas rien ne pourra être conclu de manière définitive.

1. Les sources de CO2 vers l’atmosphère

Si l’on cherche à comprendre pourquoi le taux de CO2 augmente dans l’atmosphère il faut évaluer toutes les sources possibles de CO2. Pas uniquement les émissions humaines. C’est un peu comme une baignoire qui se remplit d’eau avec plusieurs robinets ouverts en même temps. Il faut considérer tous les robinets et ne pas en regarder qu’un seul.

Voici la liste des 6 principaux robinets capables de faire couler du CO2 dans la baignoire que constitue l’atmosphère :

1. Le robinet « terres émergées » : les sols de la planète entière émettent du COessentiellement par la dégradation de la matière organique morte, grâce aux micro-organismes (respiration microbienne), mais aussi suite à la respiration des animaux vivant au-dessus des sols. A cela s’ajoute les feux (feux de brousse, etc.). Clairement, l’homme peut provoquer l’augmentation de ces émissions par les terres émergées, par exemple en épandant de la matière organique sur les sols (lisier), en réalisant l’élevage de bovins, ou en allumant des feux de forêt intentionnels. Ceci apparaît clairement dans les Figures 1 et 2 ci-dessous (flèches rouges au-dessus des terres émergées).

2. Le robinet « océanique » : les océans peuvent émettre du CO2 vers l’atmosphère car l’eau de mer comporte beaucoup de carbone dissous sous forme de HCO3 (équilibre CO2 + H2O = H+ + HCO3). Ensuite, il y a tout le COémis par les organismes vivants des océans (poissons, etc.) et tout le CO2 émis par les micro-organismes océaniques qui dégradent la matière organique morte. Ici également, l’homme peut provoquer une augmentation des émissions de CO2 par les océans, par exemple en rejetant de la matière organique dans les océans (égouts et décharges par exemple).

3. Le robinet « combustibles fossiles » (charbon, pétrole, gaz) : c’est la source de CO2 la mieux connue du public. Faire rouler une voiture, brûler du charbon, ou faire fonctionner une industrie émet du CO2 vers l’atmosphère. Il est clair que cette source est uniquement d’origine anthropique.

4. Le robinet « nature des terrains » (en anglais, « land use change ») : il s’agit par exemple de la conversion d’un écosystème naturel en champ cultivé ou en pâturage. Les forêts sont de grands réservoirs de carbone; si on les remplace par des champs cultivés beaucoup moins de carbone pourra y être stocké et tout se passe comme si l’on avait un flux supplémentaire de CO2 vers l’atmosphère. Encore une fois, cette source est uniquement d’origine anthropique.

5. Le robinet « volcanique » : les éruptions volcaniques émettent du CO2 vers l’atmosphère. Cette source est aléatoire et imprévisible. Notons qu’il y a beaucoup de volcans sous-marins imparfaitement connus et ajoutons que les volcans émettent aussi de la vapeur d’eau, principal gaz a effet de serre!

6. Le robinet « eaux douces » : les lacs et rivières émettent également du CO2car comme les terres et les océans ils comportent de la matière organique morte qui est dégradée par les micro-organismes, mais également du HCO3 qui peut s’échapper sous forme de CO2.

Pour chacune de ces 6 sources de CO2, les quantités émises sont données par le GIEC en gigatonnes de carbone (Gt de C). Pour trouver les chiffres, il suffit de consulter les rapports de 2013 (AR5) et de 2021 (AR6) (Table 1). Les chiffres donnés dans la Table 1 ci-dessous proviennent de la Figure 6.2. de l’AR5 (page 471) et de Figure 5.12 de l’AR6 (page 700). Presque rien n’est donné dans le texte du GIEC et tout se trouve dans ces figures. Les figures correspondantes du GIEC sont reproduites en-dessous de la Table 1 (Figures 1 et 2).

Table 1. Émissions annuelles de carbone vers l’atmosphère (en gigatonnes, Gt) selon le GIEC en 2013 (AR5) et en 2022 (AR6).Figure 1. Le cycle du carbone selon l’AR5 du GIEC (2013) (Figure 6.2, page 471). Les nombres représentent la masse du réservoir, également appelée « stocks de carbone » en Gt ou PgC (1 PgC = 1015 gC) et les flux annuels d’échange de carbone (en PgC an–1). Les nombres noirs et les flèches indiquent la masse du réservoir et les flux d’échange estimés pour la période antérieure à l’ère industrielle, environ 1750. Les flèches rouges et les nombres indiquent les flux « anthropiques » annuels moyennés sur la période 2000-2009. Ces flux sont une perturbation du cycle du carbone pendant l’ère industrielle après 1750.Figure 2. Le cycle du carbone selon l’AR6 du GIEC (2021) (Figure 5.12, page 700). Les flèches jaunes représentent les flux de carbone annuels (en Gt ou PgC an–1) associés au cycle naturel du carbone, estimés pour la période antérieure à l’ère industrielle, vers 1750. Les flèches roses représentent les flux anthropiques moyennés sur la période 2010–2019. Les cercles avec des chiffres jaunes représentent les stocks de carbone préindustriels en PgC. Les cercles avec des chiffres roses représentent les changements anthropiques de ces stocks (flux anthropiques cumulés) depuis 1750.

2. Analyse des sources de CO2 données par le GIEC

Analysons maintenant les chiffres du GIEC donnés dans la Table 1.

Nous pouvons constater que:

• Les chiffres donnés par le GIEC varient d’un rapport à l’autre. Par exemple, les émissions de la catégorie 1 (respiration des terres et feux) sont de 118,8 Gt dans l’AR5 et de 136,7 Gt dans l’AR6. Il s’agit ici d’une augmentation de 17,9 Gt (environ deux fois plus que les émissions causées par les combustibles fossiles). Comme le pourcentage des terres émergées n’a pas beaucoup varié entre l’AR5 et l’AR6, tout comme les autres paramètres (température globale, etc.), on peut se poser la question de l’origine de cette augmentation.

Et il n’y a pas énormément de possibilités :

(1) Il se pourrait que cette variation provienne d’une intensification massive de l’agriculture et des épandages de matière organique. Mais pour arriver à presque 18 Gt par an cela semble peu probable;

(2) Il se pourrait que les émission naturelles aient augmenté (plus grande activité microbienne dans les sols, par exemple à cause du réchauffement climatique);

(3) Il se pourrait que les chiffres publiés dans l’AR5 n’aient pas été jugés corrects, et que ceux de l’AR6 résultent d’une nouvelle estimation. En d’autres mots, il existe de grandes incertitudes concernant les émissions naturelles des sols et le GIEC ne sait pas exactement (et ne saura probablement jamais) combien de Gt de CO2 sont émis par les sols et les feux de la planète entière.

Il semble donc que les hypothèses (1) et (2) puissent être retenues. En conclusion, comme cette source de CO2 n°1 est encore mal connue, n’est-il pas hasardeux d’affirmer que ce sont uniquement les émissions des combustibles fossiles qui provoquent l’augmentation du taux de CO2atmosphérique constatée depuis le début des mesures en 1959 ?

• Comme pour les émissions de la catégorie n°1, la plupart des chiffres donnés par le GIEC dans les Figures 1 et 2 ci-dessus ne comportent aucun écart-type, si ce n’est pour les émissions humaines causées par les combustibles fossiles, évaluées dans l’AR6 à 9,4 ± 0,5 Gt. Par exemple, pour la source de CO2 n°1, le GIEC nous donne le chiffre de 136,7 Gt mais ne nous dit pas si c’est ± 0,5 Gt, ± 5 Gt ou ± 50 Gt. Encore une fois, si l’on ne mentionne pas les incertitudes, il n’est pas possible de conclure avec certitude !

• Ce qui est cependant certain, c’est que la première source de carbone vers l’atmosphère est le CO2 émis par les terres (respiration et feux = 136,7 Gt soit 60,2% du total des émissions). La deuxième source sont les océans (77,6 Gt soit 34,2% du total des émissions), et les émissions provenant des combustibles fossiles viennent en troisième position (9,4 Gt soit 4,1% du total des émissions).

• Oui, vous avez bien lu, les émissions humaines issues des combustibles fossiles (pétrole, gaz, charbon) ne représentent que 4,1% du total des émissions de CO2 vers l’atmosphère (selon l’AR6). En considérant le fait que le taux de CO2 n’ait pas baissé à Mauna Loa durant le confinement général organisé pendant la crise du Covid-19 (voir ici), est-il judicieux de fustiger autant les énergies fossiles, sources de bien-être sur la planète? Rappelons aussi que le CO2 belge ne représente quasi rien au niveau mondial...

3. Les fixations de CO2

Les 226,9 Gt de carbone émis chaque année dans l’atmosphère (par les 6 sources décrites plus haut, voir Table 1) se mélangent sous l’effet des vents et des turbulences atmosphériques. Après mélange, il n’est plus possible de distinguer l’origine des molécules de CO2. Remarquons que dans la biosphère nous trouvons bien entendu les deux isotopes stables du carbone, le 12C et le 13C, ainsi qu’un isotope radioactif (le 14C) mais l’essentiel des atomes de carbone rejetés dans l’atmosphère sont du 12C, qu’ils soient émis par une voiture ou une bactérie réalisant la respiration dans un sol; le fractionnement isotopique du carbone est d’ailleurs très mal connu chez les bactéries vivant dans les communautés microbiennes des sols, on sait juste celles-ci peuvent provoquer de grands fractionnements isotopiques (e.g., Templeton et al. 2006Miller et al. 2001Botz et al. 1996Fuchs et al. 1979Blair et al. 1985). Tout dépend aussi du type de matière organique (voir addendum). Tout ceci ne fait malheureusement pas partie des préoccupations du GIEC.

Insistons aussi sur le fait que le comportement physico-chimique macroscopique des molécules de CO2 reste le même, en termes de mélange, temps de séjour, ou accumulation. C’est le principe même du traçage radioactif de flux, utilisé en hydrologie, génie des réacteurs, traçage biomédical, etc.

Une grande partie du CO2 va maintenant sortir de l’atmosphère par divers processus de fixation. Nous avons essentiellement trois processus de fixation : la photosynthèse (plantes, algues et organismes unicellulaires des rivières, lacs et océans), la dissolution du CO2 atmosphérique dans l’eau des lacs et des océans (selon l’équation donnée plus haut), et l’altération des roches (Table 2).

Table 2. Fixations annuelles de carbone (en gigatonnes, Gt) selon le GIEC en 2013 (AR5) et en 2022 (AR6).

Si l’on ne considère que les chiffres de l’AR6, nous voyons donc que sur les 226,9 Gt de carbone émis en un an, un total de 221,8 Gt sont ensuite fixés par les processus décrits en Table 2. Il y a donc plus d’émissions que de fixations, ce qui explique la lente augmentation du taux de CO2 atmosphérique observée depuis 1959. La différence entre émissions totales et fixations totales vaut 5,1 Gt de carbone pour l’AR6. Ceci veut dire que 5,1 Gt de carbone restent dans l’atmosphère chaque année (ce qui correspond à 18,9 Gt de CO2 ou 2,4 ppm de CO2). Tout cela « colle » bien avec ce qui est mesuré à Mauna Loa (ici).

Une grande partie de ce qui est émit par la nature est donc réabsorbé, y compris le CO2 d’origine anthropique. La nature ne fait pas de différence lorsqu’elle réabsorbe du CO2. Et donc, le GIEC est dans l’erreur lorsqu’il dit que seules les émission de CO₂ des énergies fossiles perturbent, ou lorsqu’il dit que le CO2 anthropique reste des centaines ou des milliers d’années dans l’atmosphère. Ceci n’est pas possible. Chaque molécule de CO2 ne reste que peu de temps dans l’atmosphère, environ 4 ans, et ce peu importe son origine (voir les articles de J.C. Maurin ci-dessous).

4. Conclusions

• Le GIEC ne parle quasi pas des émissions naturelles dans ses rapports et ne donne aucun détails concernant la complexité des sols, premier émetteur de CO2 de la planète. Le GIEC se focalise juste sur les émissions humaines, comme si le reste n’avait pas d’importance. Les chiffres des Tables 1 et 2 du présent article n’ont pas été trouvés dans le texte des rapports du GIEC, mais dans seulement deux figures de ces rapports AR5 et AR6.

• Actuellement, les émissions humaines issues des combustibles fossiles ne représentent que 4,1% du total des émissions de CO2 vers l’atmosphère. Le reste, soit 95,9%, ne provient pas des combustibles fossiles mais d’autres sources comme la matière organique en décomposition dans les sols et les océans, mais aussi du changement de l’affectation des sols par l’être humain. En d’autres mots, pour émettre moins de CO2 on pourrait aussi réduire les rejets de matière organique dans les océans et les incinérations, tout en préservant le plus possible les zones forestières, grands puits de carbone. Jouer uniquement sur les émissions provoquées par les combustibles fossiles est contre-productif.

• Le GIEC ne mentionne pas les incertitudes concernant les flux naturels. La plupart des chiffres sont présentés concernant le cycle du carbone n’ont pas d’écart-type. Nous avons donc l’impression qu’il n’y a aucune incertitude, alors que les incertitudes sont probablement énormes, comme le montrent les grandes variations entre les chiffres publiés dans l’AR5 puis l’AR6.

• Tant que les émissions naturelles ne sont pas quantifiées plus précisément, et tant que les communautés microbiennes des sols ne seront pas mieux connues (taux de respiration, fractionnement isotopique, etc.) il ne peut pas être conclu avec certitude que l’augmentation du taux atmosphérique de CO2 est uniquement causée par la combustion du pétrole, du charbon et du gaz, qui ne représentent que 4,1% du total des émissions. Tout ceci semble confirmé par les observations réalisées lors de la crise du COVID-19 (voir ici). L’étude des isotopes du carbone nous suggère également cela, comme l’a montré J.C. Maurin dans une suite d’articles publiés sur SCE en 2018 et 2019 (voir ci-dessous). Ce même auteur souligne également les grandes incertitudes concernant le cycle du carbone dans son récent article de 2022 (voir références).

• A lire également : le GIEC et l’art de gommer les incertitudes.

Références

Maurin J.C. Evolutions récentes du CO2 atmosphérique. 09/2018 (1/4), 10/2018 (2/4),  11/2018 (3/4) et 12/2018 (4/4).

Maurin J.C. La croissance du CO2 dans l’atmosphère est-elle exclusivement anthropique ? 06/2019 (Carbone 14 et Effet Suess, 1/3), 07/2019 (Carbone 14 et effet bombe, 2/3) et 07/2019 (Effet bombe et modèles du GIEC, 3/3).

Maurin J.C. Les incertitudes du cycle du carbone rendent sa modélisation hasardeuse. 02/2022

Addendum

Tableau des rapports isotopiques δ 13C dans différentscomposés organiques terrestres et marins.Source : Van Vliet-Lanoë B. CRYOSPHERE: soixante millions d’années d’évolution de notre planète. VUIBERT , 416p février 2013.
Publicité
Publicité
Commentaires
ma revue de presse journalière
Publicité
Archives
Publicité