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ma revue de presse journalière
16 mars 2022

Excellent article =

Repenser notre système politique
 Publié le 16/03/2022 à 15:42
Le soleil se couche pour la liberté...
Pixabay
Auteur(s): Robin Dubreuil, pour FranceSoir

TRIBUNE - Depuis le 14 mars 2022, nous « retrouvons » nos libertés. Port du masque et passe vaccinal ne sont plus imposés. Mais si les obligations sont tombées, il ne faut pas crier victoire trop vite. Ces dernières ne sont que suspendues, telle une épée de Damoclès qui continue de demeurer au-dessus de nos libertés. Que cela indique-t-il pour la suite ? Après deux ans de restrictions, nous retrouvons des pans de notre vie sociale qui ont pourtant été injustement confisqués.

Il faut nécessairement tirer un bilan de ces mois d’atteintes à nos droits. Tâcher d’établir une rétrospective d’ensemble de l’état de nos institutions politiques et judiciaires. Surtout, il faut tenter de savoir ce qui est dorénavant en jeu.

La conception de nos droits fondamentaux a été dénaturée. Au nom d’une conjoncture soi-disant exceptionnelle, nous avons cédé en acceptant que la sécurité puisse passer avant notre liberté. C’est absolument ubuesque. À cette aune, il n’y a pas de régime politique plus parfait que le totalitarisme. En s’appuyant sur la peur de la mort, la sécurité à tout prix s’y impose.

Voir aussi : L'éloge ardent de la liberté par Francois Sureau dans son discours de réception à l'Académie française

Notre communauté, cherchant à détruire la mort, poursuit un objectif insensé. Non seulement en ce que la mort est un processus naturel de la vie humaine que nous devons accepter, mais surtout parce que cette société plonge dans ses contradictions. Elle promeut une conception erronée de la vie qui ne se construit pas par l’existence de distances sociales à l’égard de nos proches, ni par une réglementation de nos sorties. En acceptant cette logique, les grands corps, les institutions, les organes décisionnels se sont corrompus.

Nous avons perdu le sens de l’État.

En effet, de mensonges en trahisons, de trahisons en hypocrisies, d’hypocrisies en acharnements, l’État s’est dénaturé. Son rôle premier, de sauvegarde de la liberté, de garantie des Droits de l’Homme, s’est effacé. Au nom d’un semblant de sécurité sanitaire.

Mais quelle sécurité ? Quelle sécurité dans une société imposant la présentation de documents administratifs pour entrer dans un café ? Cette logique sonne le glas de notre conception fondamentale de ce qui est le « juste ».

Pourtant, la liberté est et doit être éminemment supérieure à la sécurité. C’est ce principe, si français, qui doit être notre cap. Nous devons renouer avec cette intuition française : renouer avec l’idéal démocratique, renouer avec l’idéal républicain et de façon plus décisive, renouer avec l’idéal Humain.

Mais, nous avons perdu le goût de la liberté.

Dorénavant, l’individu ne s’inscrit plus dans la société en tant que citoyen libre, mais en tant que citoyen soumis à des devoirs juridiques. Ce bouleversement est considérable en ce qu’il renverse proprement le rôle que doivent jouer les institutions.

Ces dernières n’agissent plus pour assurer le respect des libertés publiques, elles agissent au nom d’une « proportionnalité » - pour reprendre le vocabulaire pernicieux des juges européens, entre l’urgence sanitaire justifiant des mesures exceptionnelles et les droits des individus. On cherche par là à supprimer, éliminer, paralyser le risque. Mais en quoi cela permet-il franchement de légitimer une telle coercition ? Est-ce vraiment là ce que nous recherchons ? Vivre, c’est prendre un risque.

Mais fondamentalement, ce qui est le plus grave, c’est d’avoir eu dans notre droit ce « passe vaccinal » portant des atteintes multiples à notre Constitution et à notre pluriséculaire déclaration de 1789. Maintenant, il est inscrit, dans la conscience des législateurs, cette possibilité de réinsérer un tel outil dans notre vie en société.

La rupture est consommée. D’autant que nos digues juridictionnelles que représentent le Conseil d’Etat et le Conseil constitutionnel, se sont lamentablement soumises à cette logique. Alors que ces juridictions avaient été créées pour soumettre le règlement et la loi aux libertés fondamentales, voilà que celles-ci se sont trouvées soumises à cette exigence de sécurité. « Exigence de sécurité », propos qui n’aura eu de cesse de justifier toutes les mesures les plus attentatoires aux fondements de notre République, faisant oublier l’exigence de liberté. Et hélas, cette vision s’est transposée dans nos cours de justice.

Voir aussi : Démocratie : fin de partie ? Pour Mathieu Slama, "Adieu la liberté"

Aussi, notre démocratie s’est vue vidée de son essence. Au travers d’une représentation nationale devenue assemblée consultative, et par une gouvernance s’étant réalisée à coups d’ordonnances et de conseils de défense, l’exécutif a porté atteinte de manière extrême au respect de la séparation des pouvoirs. Pendant ces longs mois, il a été à la fois créateur, exécutant, et juge de la loi. Imposant sa conception liberticide dans l’ensemble des réseaux de l’Etat.

En effet, la liberté de conscience et la liberté de choix, sont devenues de vaines notions. Et de manière générale : la Liberté en sa substance a été ébranlée. Liberté de circulation, liberté de réunion, liberté de disposition de son corps, secret médical, égalité de traitement entre tous les citoyens... Tous ces piliers, formant l’édifice de notre République, se sont trouvés démolis.

Nous avons perdu l’idéal de justice.

En somme, nos institutions ne ressortiront pas indemnes de cette crise. Les pouvoirs publics ayant toléré l’inacceptable, se sont pervertis. Dorénavant, quelle confiance pouvons-nous porter à l’égard de l’Etat ? Quelle légitimité pour des lois cautionnées par des institutions juridiques à la solde du pouvoir ?

La Vème République traverse un séisme démocratique considérable. Dans un régime où les interactions sociales ont été détruites, où les libertés ont été battues en brèche, où les libres pensées sont réprimées ; il est évident que nous sommes sortis du cadre de l’État de droit. Dans un régime où la science guide le politique, où la séparation des pouvoirs est abolie, où le juge ne pense plus, il est acquis que la France s’est exclue du cadre républicain.

Cet ébranlement, ayant ainsi bouleversé en tout point notre démocratie, notre État et nos libertés ; doit nous questionner sur les fondements anthropologiques de notre Société, puisque notre rapport au « pouvoir » s’est vu renversé. La démocratie indirecte a exposé ses limites. Le fait majoritaire a montré ses dangers. Les risques d’une dérive autoritaire sont évidents.

Si nous voulons sauver notre certaine idée de la Liberté, des réformes juridiques et politiques considérables doivent être envisagées. D’où il découlera une refonte profonde des institutions.

Finalement et fondamentalement, il faut maintenant se questionner sur la pertinence actuelle du régime politique de la Vème République. C’est cela qui est dorénavant en jeu.

 

Robin Dubreuil est étudiant en droit.

Auteur(s): Robin Dubreuil, pour FranceSoir

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