"Le gouvernement continue, pour des raisons économiques, de fermer des lits et de supprimer des postes. Cela aggrave les conditions de travail de ceux qui restent", a dénoncé mercredi sur franceinfo Thierry Amouroux, porte-parole du Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI). "Beaucoup de soignants sont laminés, broyés par le système, avec des conditions de travail de plus en plus difficiles", a témoigné Thierry Amouroux.

Dans sa dernière étude, le professeur Jean-François Delfraissy, qui préside le Conseil scientifique sur le Covid-19, estime que 20% des lits de l'hôpital public sont fermés, faute de personnel. Par conséquent, "un certain nombre d'unités dans des hôpitaux sont obligées de fermer temporairement, ou de réduire la voilure", a reconnu le ministre de la Santé Olivier Véran mercredi 27 octobre dans une interview à Libération.

 

franceinfo : D'après Gabriel Attal, le porte-parole du gouvernement, il s'agit d'un problème "d'absentéisme et de démissions" qui "s'est amplifié"pendant "des décennies", "surtout après la crise" du Covid-19 et "chez les para-médicaux". Ce diagnostic est-il le bon ?

Thierry Amouroux : Non, il y a beaucoup de mensonges dans ses propos. Sur les deux premières années du quinquennat, ils ont fermé 7 000 lits d'hôpitaux. En 2020, en pleine épidémie de Covid-19, ils ont fermé 5 700 lits, selon les chiffres du ministère. En 2021, nous sommes confrontés à 1,4 milliard d'euros d'économies à réaliser sur les hôpitaux dans le cadre de la loi de financement de la Sécurité sociale votée en décembre 2020. Ce qui fait fuir les soignants, c'est donc la dégradation continue des conditions de travail. Le gouvernement continue, pour des raisons économiques, de fermer des lits et de supprimer des postes. Cela aggrave les conditions de travail de ceux qui restent. Il y a des départs liés à ça. Ensuite, plus il y a de départs, plus les conditions de travail se dégradent et plus les conditions de travail se dégradent, plus vous avez de nouveaux départs. Ce cercle infernal a été amorcé par le gouvernement, qui a continué à fermer des lits et réduire les budgets des hôpitaux.

Comment cette dégradation des conditions de travail à l'hôpital se manifeste-t-elle ?

Lors du premier pic, nous avions six patients atteints du Covid-19 pour un infirmier en soins intensifs. Lors de la dernière vague, nous étions déjà à huit patients par infirmier, c'est-à-dire une augmentation de charge de travail de 30% en un an et demi, sur un secteur aussi exposé que le Covid-19. Imaginez alors la situation en médecine générale ou en chirurgie générale. Ces conditions de travail mettent souvent en danger les patients. Les soignants préfèrent donc partir plutôt que d'être complices de cette situation. Il y a une vague de départs très importante depuis le 1er juin, avec des personnes dégoûtées par ces conditions de travail.

Un millier d'étudiants ont quitté l'école d'infirmier avant la fin de leurs études. Comment expliquer ces démissions ?

Il faut bien comprendre toute la différence entre le métier rêvé et le métier réel dans les conditions de travail actuelles. Il y a une vraie perte de sens. On veut être infirmier à l'hôpital et on nous demande d'être des techniciens spécialisés dans une usine à soins, d'enchaîner des actes techniques qui peuvent être cochés, alors que l'infirmier est là aussi pour prendre soin, accompagner et faire de la relation d'aide, de l'éducation à la santé, de l'éducation thérapeutique pour que le patient soit acteur du soin. C'est cela qui nous dégoûte, cette perte de sens, le fait que il y ait toujours plus d'économies imposées. Il y a aussi un absentéisme important avec beaucoup de soignants laminés, broyés par le système, avec des conditions de travail de plus en plus difficiles car, entre chaque pic de Covid-19, il y a une suractivité pour essayer de prendre en soin tous les patients chroniques qui n'ont pas été programmés pendant les pics.

Que demandez-vous concrètement au gouvernement pour remédier à cette situation ?

Il faut rouvrir des lits pour tenir compte des besoins de santé de la population. Il faut créer des postes mais avec une charge du travail compatible avec la qualité des soins. Il faut enfin une revalorisation salariale parce qu'il en était question au moment du Ségur de la Santé. En réalité, nous sommes passés d'un salaire inférieur de 20% à la moyenne européenne à 10%. Il y a donc eu des efforts du gouvernement mais on continue à être sous-payés et exploités, ce qui entraîne toujours des départs.

https://www.francetvinfo.fr/sante/politique-de-sante/lits-d-hopitaux-fermes-faute-de-personnel-beaucoup-de-soignants-sont-lamines-broyes-par-le-systeme-denonce-un-syndicat-infirmier_4823619.html?fbclid=IwAR35gmvHXO78tWKwsQRQ1qpFStVxYE1AyQO9qeUriI5ZNCnnUoGOximlnEI


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