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4 décembre 2018

Situation dramatique =

La situation à La Réunion
4 Décembre 2018
La situation à La Réunion

Depuis samedi 17 novembre, premier jour des manifestations des gilets jaunes, la crise que connaît La Réunion est incomparable avec celle de l’Hexagone ; sans aucun doute parce que la situation y est encore plus dégradée. Ainsi, après les Antilles, après la Guyane, après Mayotte, la Réunion éprouve des troubles sociaux de grande ampleur. Le mouvement est dur. L’île est paralysée. Routes, ports, aéroports bloqués, pénurie de carburants, magasins pillés, écoles et administrations fermées.

La Réunion rencontre sa plus grande crise depuis les événements du Chaudron de 1973 et de 1991. L’action des gilets jaunes s’accompagne, le plus souvent malgré eux, des désordres desdites «cagoules noires» qui, la nuit tombée, se prêtent à une véritable guérilla urbaine contre les forces de l’ordre et à des pillages de magasins. Un sentiment d’abandon et de colère touche la population réunionnaise.

Absence d’un véritable traitement politique

Aujourd’hui, et contrairement à l’Hexagone, le mouvement ne s’essouffle pas. Or, si l’île ne sort pas au plus vite de cette crise, on peut craindre le pire, quand on sait que, si une bonne partie de la population soutient les gilets jaunes, elle n’accepte plus d’être privée de circuler, de travailler, de faire ses courses, de l’accès aux soins, de répondre aux besoins des personnes âgées dépendantes, de pouvoir garantir une scolarité à ses enfants. Elle n’accepte pas non plus les violences urbaines nocturnes. Elle refuse également de voir que l’Etat réagit par une action uniquement répressive, par le refus de dialogue, et par une «non-assistance à une île en danger».

En l’absence d’un véritable traitement politique de cette crise, ce n’est pas seulement l’économie réunionnaise qui risque de se retrouver à terre, mais sa société. Car à la lassitude de la population, s’accompagne depuis peu une forme de populisme, de culturalisme, d’ethnicisation des violences urbaines, d’un sentiment de domination métropolitaine, soutenue par certains médias et discrètement par certains politiques réunionnais, qui oppose les Réunionnais aux zoreys, c’est-à-dire les métropolitains, les Réunionnais aux étrangers (comoriens, malgaches) et les noirs aux blancs. C’est ainsi que ceux que l’on désigne comme des cagoules noires, ne le sont pas seulement par référence aux «black blocs», aux jeunes «casseurs» vêtus de noir, qui, depuis une dizaine d’années, se joignent aux manifestations en Europe, mais aussi par l’identification de ces jeunes réunionnais à la population des «kafs», pour dire vite, aux noirs de l’île.

Longtemps vue et présentée par les politiques de tous bords, comme un Eden, comme un exemple du vivre-ensemble d’une «communauté de citoyens», pour rendre les mots de la sociologue Dominique Schnapper, on s’aperçoit aujourd’hui que la Réunion connaît le racisme, la domination masculine, la délinquance juvénile, l’homophobie et les violences conjugales.

Risque d’implosion

Point de catastrophisme dans ces constats. Mais les faits sont têtus. Et la loi sur l’égalité réelle en outremer du 28 février 2017, votée à l’unanimité par la représentation nationale, n’est toujours pas appliquée. Quant au Livre bleu des Outre-Mer de juin 2018, synthèse des travaux des Assises des Outre-mer, qui déclare dès son préambule que «Les Français des Outre-Mer réclament des décisions concrètes, des projets visibles. Ils sont lucides et pragmatiques», il semble bien éloigné d’une realpolitik qui offre un véritable horizon de responsabilité pour les Ultramarins en général et pour les Réunionnais en particulier.

Noyer les problèmes économiques et sociaux qui s’expriment avec les gilets jaunes dans une jacquerie postcoloniale de quelques précaires, dont la frange de la jeunesse la plus marginalisée se livre à des exactions qui ne peuvent qu’être condamnables, est une erreur politique. C’est même une irresponsabilité. Car on le sait quand un problème n’est pas traité politiquement, il finit dans la rue et dans les urnes. L’ordre public n’est plus respecté quand l’ordre social apparaît injuste notamment pour les jeunes réunionnais.

A La Réunion, la faillite économique, la précarité et le conflit ethnique et social guettent. Comment les politiques réunionnais et le gouvernement français peuvent-ils rester sourds à la situation catastrophique que connaît l’île ? Comment ne pas comprendre que La Réunion risque aujourd’hui de voir imploser sa société déjà bien fragilisée par le chômage et la précarité, et dont les gilets jaunes et lesdites cagoules noires n’en sont qu’une expression ?

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