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ma revue de presse journalière
19 août 2019

Est-il convenable de les accueillir , pour les laisser dans une telle misère !!!

A Paris, l'errance des familles de migrants à la recherche d'un endroit où dormir
14/08/19 17h34
Chaque soir, plusieurs dizaines de familles de réfugiés demeurent sans abri et essaient de survivre dans la rue. Parmi elles, des femmes enceintes et des mères isolées vivent dans l’incertitude et l’angoisse.

18h00, près de la porte d’Aubervilliers, dans le 19e arrondissement de Paris, nous sommes le 17 juillet. Comme tous les soirs, une dizaine de familles s’installent en face du centre social du quartier Rosa-Parks. L’association Utopia 56 entretient un réseau de contacts solidaires prêts à ouvrir leurs portes pour une ou plusieurs nuits à des familles de réfugiés démunies. Une solution d’urgence pour remédier au manque de prise en charge de ces personnes par la mairie de Paris ou le Samu social.

Les mamans s’assoient sur les marches en béton, devant un alignement de poussettes. Deux d’entre elles sont enceintes. Elles discutent et surveillent du coin de l’œil leurs enfants qui jouent sur les pavés brûlants. "On est désemparés. On est venus en France pour demander l’asile et être protégés. On se retrouve dehors et sans papiers", expose l’une d’entre elles. "On ne veut plus dormir dehors", poursuit-elle. L’épuisement se lit sur les visages.

Des familles abandonnées à leur sort

Mme Soulé* s’avance vers nous avec ses deux enfants. Près d’elle, l’aîné a cinq ans. Le nourrisson qu’elle porte dans son dos n’a que huit mois. En France depuis trois ans, les époux Soulé, originaires de Côte d’Ivoire, sont sortis du dispositif de demande d’asile qui les hébergeait le 7 juin dernier au terme d’une interminable attente. "On nous a fait espérer et puis on nous a déboutés", regrette Mme Soulé. Trois longues années d’instruction pour finalement se retrouver à la rue.

Billie*, une Sénégalaise de 31 ans, s’inquiète pour son enfant : "Mon fils a un mois. On arrive à être hébergé une nuit par ci, une nuit par là. Des fois, je vais dans la salle d’attente d’un hôpital et on me donne un petit lit pour mon fils. Moi, je ne dors pas. Sinon, on dort dans le métro", explique la maman arrivée en France en 2014. Les membres éloignés de sa famille, chez qui elle habitait, ont refusé de continuer à l’héberger quand son enfant est né.

Nada* enchaîne les nuits dans les couloirs du métro avec son mari et son fils de 6 mois sans trouver d’alternatives. "Je ne comprends pas et je ne sais pas quoi faire. Mon récépissé [de demande d’asile, NDLR] va se périmer demain", se désole-t-elle. La mère est d’autant plus désemparée que sa famille tombe sous le coup de la procédure Dublin qui désigne le premier pays où les empreintes d’un réfugié ont été recueillies comme responsable de sa demande d’asile. Si la police met la main sur cette famille, elle sera transférée en Italie. "Mon petit doit aller à l’école",insiste Nada, désabusée et impuissante.

Certains parents baissent les bras

Autour de la porte d’Aubervilliers, entre 1500 et 2000 personnes dorment dehors, selon l’association Utopia 56. La préfecture de Paris assure elle n’en dénombrer que 1200 sur l’ensemble du territoire parisien.

Jeudi 25 juillet, la chaleur estivale n’épargne pas la capitale. La température atteint un seuil historique et s’approche de 43°. Sur la bordure intérieure du boulevard périphérique, des hommes patientent au milieu des gaz d’échappement sous un soleil de plomb. Ils cherchent l’ombre ou restent allongés sur des bouts de cartons entre les tentes et un amoncellement de bouteilles d’eau vides. Les petits abris de toiles s’alignent en rang serré dans la direction de la porte de la Chapelle. De l’autre côté de la rocade s’étend un campement similaire où règne la même atmosphère lourde et suffocante. Deux univers quasiment symétriques. Trois familles vivent avec leurs enfants sur le premier campement et quatre sur le second. Quelques tentes ont été plantées sur le terre-plein central de la porte d’Aubervilliers. Une famille avec deux enfants occupe l'une d'entre elles. Plus loin, d’autres familles de réfugiés subsistent avec leurs bambins dans des cabanes, érigées sous les arbres en direction de la Porte de la Villette.

En pleine canicule, au moins une dizaine de familles de migrants sans abri et leurs enfants ont donc rejoint ces camps. En cause, une situation incertaine qui s’éternise. À tel point que certains parents baissent les bras et cessent de demander chaque jour de l’aide aux associations. Ils préfèrent encore s’installer dans des abris de fortune.

L’incertitude est le quotidien des mamans isolées

Angela*, 26 ans, est une opposante politique guinéenne qui a fui la répression du président Alpha Condé. Elle doit se débrouiller seule dans les rues de la capitale française avec sa fille de 16 mois que son père a abandonnée. "On est livré à nous-même", résume-t-elle. Ce soir-là, l’association Utopia 56 lui a trouvé un hébergement pour la nuit.

Angela traverse Paris en poussant péniblement sa fille devant elle. La poussette est remplie. Dans le panier situé sous le siège, quelques couches, deux biberons, un peu de lait et de nourriture. Suspendues au guidon, deux sacoches contiennent les affaires de sa fille. Angela porte les siennes dans son sac à dos. Après un long trajet et une douche, il est 23h quand la mère et sa fille dehors depuis 8h, s'endorment enfin. "Demain, c’est un autre jour", murmure Angela qui tente de savourer le dénouement de la soirée.

>>Lire aussi : Au Mesnil-Amelot, les associatifs se retirent d’un centre de rétention pour migrants au bord de l’implosion

Le rituel de l'appel du 115

Il est 9h le lendemain quand Angela et sa fille doivent quitter le logement. Elle compose fébrilement le 115 qui met l’appel en attente. Un rituel qu’elle renouvelle chaque matin depuis trois mois et demi. Au bout d’une bonne heure, un opérateur décroche. Sa demande est relancée. Angela essaie ensuite de joindre au téléphone les autres mamans dispersées dans la capitale et surtout son amie, Mme Soulé. Direction, l’un des accueils de jour pour familles sans abri de la ville situé à proximité.

Ouverts aux familles entre 11h et 13h, les accueils de jour offrent aux parents quelques instants de répit dans leur journée et l’occasion de laver un peu de linge. Passé ces deux courtes heures, les familles se rendent dans les parcs parisiens pour supporter les chaudes après-midi d’été. Les enfants s’occupent comme ils peuvent. Angela ne garde que le strict nécessaire et sa fille ne possède ni jouet ni peluche. La perspective de dormir dehors hante les parents toute la journée. À 18h, les époux Soulé, Billie, Nada, Angela et leurs enfants sont de retour au bord du boulevard Mac-Donald, sur les escaliers où ils se sont quittés la veille.

Un campement pour rendre visible la situation

En juin, une trentaine de personnes sollicitent chaque jour l’association Utopia 56. Mais depuis le début du mois de juillet, plus de 70 personnes dont une trentaine d’enfants se pressent chaque soir auprès de l’association dans l’espoir d’être hébergées. Le pansement que constituent les associatifs craque. Le 9 juillet, Utopia 56 et des familles de migrants choisissent de poser un campement devant le centre social de Rosa Parks pour rendre visible cette situation et exiger "une réelle proposition de mise à l’abri, totale pérenne et inconditionnelle". En quelques jours, environs 140 personnes rejoignent le campement dont une cinquantaine d’enfants.

La réaction des pouvoirs publics ne se fait pas attendre. Le jour s’est à peine levé le vendredi 12 juillet quand les fonctionnaires de la préfecture de région et de la mairie interviennent. "Il y avait la police et les gens de la mairie de Paris. Ils nous ont fait monter dans un grand bus", rapporte une maman présente ce jour-là. La majorité des personnes évacuées par les équipes de la mairie sont placées dans des centres d’hébergement situés en banlieue, à Ivry (94), Malakoff (92) et Sarcelles (95).

"Ils ont trié les gens", s'émeut Angela qui a assisté à la scène. "Certains sont allés dans des centres, mais les irréguliers, les déboutés et les sans-papiers sont allés dans un LIMA", poursuit-elle. "On ne les trie pas. C’est fou d’entendre ça", s’agace le service de communication de la préfecture de Paris interrogé par Les Inrocks. La préfecture explique que les personnes sont orientées selon leur situation administrative.

"Ils nous ont juste camouflés"

Douze familles, dont des mères isolées avec leurs enfants, sont prises en charge dans le lieu de mise à l’abri du 14e arrondissement (LIMA 14), une solution mise en place et financée par la mairie de Paris. Mais dès le lundi matin, le dispositif municipal les met à la porte. "On m’a promis un hébergement, mais je n’ai eu que trois jours. Lundi matin, j’étais dehors", se lamente Mme Soulé. Parmi les personnes remises à la rue, treize enfants auraient moins de trois ans d’après l’association Utopia 56 qui les retrouve Porte d’Aubervillier. Ils viennent s’ajouter aux quatre familles qui n’ont pas été prises en charge durant le week-end, trois mères seules et un couple avec des enfants en bas âge.

"Ils nous ont juste camouflés pour enlever les tentes", lâche Angela, amère. Pour elle, les personnes placées dans le LIMA du 14e arrondissement n’auraient été hébergées que le temps de faire disparaître le campement qui symbolisait la situation qu’elles tentaient de dénoncer. En l’espace d’un week-end, les familles de migrants sont évacuées, séparées puis dispersées. Elles ne seront pas toutes mises à l’abri de façon durable.

La mairie de Paris et la préfecture se renvoient la patate chaude

Comment ces trente personnes vulnérables se sont-elles retrouvées à la rue au bout de seulement trois jours ? Interrogée par Les Inrocks, la préfecture assure avoir pris en charge toutes les personnes dont elle est responsable. Restent les femmes enceintes et les mères isolées avec des enfants de moins de trois ans. Selon la préfecture, leur prise en charge incombe à la Mairie de Paris. "Les personnes qui ont été orientées lors de cette opération de mise à l’abri sont des familles migrantes. C’est la compétence de l’Etat et du ministère de l’Intérieur d’accueillir les familles migrantes et de les mettre à l’abri", rétorque Dominique Versini, adjointe à la maire de Paris chargée de la solidarité, de la lutte contre l'exclusion, de l’accueil des réfugiés et de la protection de l'enfance.

Que dit réellement la loi ? Les articles L. 345-2 et L. 345-2-2 du code de l’action sociale et des familles (CASF) stipulent qu’il appartient à l’État de mettre en œuvre le droit à l’hébergement d’urgence de toute personne sans abri. Mais l’article L. 222-5 du CASF stipule que l'aide sociale à l'enfance (ASE), qui dépend du département, prend en charge "les femmes enceintes et les mères isolées avec leurs enfants de moins de trois ans". II appartient donc à la Mairie de Paris, en tant que conseil départemental, de prendre en charge une partie de ces familles. Ce qu’elle n’a pas fait. Sur les trois mères isolées avec des enfants de moins de trois ans, une seule a été placée à l’hôtel à l’issue de son séjour au LIMA. Les deux autres ont été remises dehors avec leurs quatre enfants et contraintes d’appeler le 115.

>>Lire aussi : Un "Bal des migrant.e.s" pour faire danser ensemble Franciliens et sans-papiers

Et pour les autres familles constituées de couples ? Le 13 juillet 2016, le Conseil d’État avait souhaité clarifier la répartition des compétences en termes d’hébergement d’urgence entre l’État et les départements. En cas de carence de l’État, le département peut loger un enfant et sa famille grâce à une aide financière prévue dans le cadre la protection de l’enfance. Le département de Paris avait donc juridiquement la possibilité de prendre en charge toutes les familles présentes dans le LIMA en attendant que l’État prenne le relais - ce qui n'a pas été fait.

Plus d’un mois après l’évacuation du campement, Angela n’a toujours pas été prise en charge. "On nous a dit qu’elle ne s’était jamais présentée au rendez-vous qui lui avait été donné à l’accueil de jour de Bonne Nouvelle", finit par répondre la Mairie de Paris après de nombreuses sollicitations. Angela dit pour sa part ne jamais avoir été informée d’un tel rendez-vous. Sa fille de 16 mois est tombée malade et ses appels renouvelés chaque jour au 115 restent son seul moyen de sortir de cette situation dramatique.

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