La victoire de Rouhani est une bonne nouvelle pour l'Iran, mais une mauvaise pour Trump et ses alliés sunnites, par Robert Fisk
Par Pierrick Tillet le 21 mai 2017 - Les mots des autres
Un billet de Robert Fisk sur l’élection « (comparativement ) » libre qui vient de se dérouler en Iran.
Les Saoudiens seront consternés par le fait qu’un Iranien (comparativement) raisonnable a remporté une élection (comparativement) libre que presque aucun des cinquante dictateurs réunis à Ryad pour accueillir Trump n’aurait jamais osé tenir.
Donc c’est une bonne victoire pour le régime iranien — et son énorme population de jeunes — et une mauvaise victoire pour le régime de Trump, qui aurait plutôt préféré un ancien tueur judiciaire comme président iranien,plus facilement haïssable par les Américains. Sans doute l’attaque, la semaine dernière, de Hassan Rouhani contre son ténébreux rival et ses partisans a-t-elle payé : « Ceux dont les principales décisions ces trente-huit dernières années n’ont été que des exécutions et des emprisonnements. » Qui parmi les jeunes de moins de 25 ans en Iran, soit plus de 40 pour cent de la population, aurait voulu voter pour Ebrahim Raisi dont les mains étaient entachés par les certificats d’exécution de 8 000 prisonniers politiques en 1988 ?
Ainsi, l’homme qui a signé un accord nucléaire iranien avec les États-Unis, qui a lutté (souvent en vain, il faut le dire) pour récolter les récompenses économiques de cette “trêve” de la bombe nucléaire, qui croyait à une société civile différente de celle de l’ancien président Mohamed Khatami, a remporté le scrutin avec 57% des voix et 23½ millions de voix sur 41. Les vieillards corrompus et autoritaires du Corps de la Garde révolutionnaire et des bazaaris, les ruraux pauvres — ce fourrage à canon de la guerre Iran-Irak comme ils le sont souvent lors des élections — ont été prévenus qu’ils n’appartenaient plus à l’avenir.
Mais quel contraste cette élection a été face au vaste rassemblement de dictateurs et d’autocrates coupeurs de gorge venus saluer Donald Trump à Riyad — au moment même où les résultats des élections iraniennes étaient annoncés. À l’exception du Liban, de la Tunisie et du Pakistan, presque tous les dirigeants musulmans réunis en Arabie Saoudite considèrent la démocratie comme une blague, une farce — d’où les victoires à 96% de leurs dirigeants — ou encore simplement une inconvenance. Ils sont juste là pour encourager la soif sunnite de l’Arabie saoudite dans sa guerre contre l’Iran chiite et ses alliés. C’est pourquoi les Saoudiens seront consternés par le fait qu’un Iranien (comparativement) raisonnable a remporté une élection (comparativement) libre que presque aucun des cinquante dictateurs réunis à Ryad pour accueillir Trump n’aurait jamais osé tenir.